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vendredi 26 février 2016

Notes sur la 3ème révolution industrielle de Jeremy Rifkin

J'ai fini le livre de Jeremy Rifkin «la troisième révolution industrielle». Je vous en propose ci-dessous non pas un résumé mais quelques commentaires qui m'ont été inspirés par la lecture de cet ouvrage que je recommande à tous ceux qui veulent savoir de quoi demain pourrait être fait.



Selon Rifkin, nous sommes arrivés à la fin d'un âge économique. Il le démontre de manière assez convaincante en partant de l'aube de l'humanité (depuis l'économie de chasse et de cueillette et l'invention de l'agriculture) pour arriver à la première révolution industrielle née de la conjonction entre une nouvelle énergie (le charbon) et d'un nouveau mode de communication (l'imprimerie), ensuite à la seconde révolution industrielle (autour du pétrole, de l'automobile et de l'informatique), et enfin la création d'un nouvel ordre industriel autour des énergies renouvelables et de l'Internet. Pour ceux qui n'auraient pas lu son livre, voici les 5 piliers sur lesquels Rifkin fonde la reconstruction d'une économie de 3eme révolution industrielle:
1. Passage aux énergies renouvelables
2. Transformation de tous le parc immobilier mondial en mini centrales électriques
3. Stockage de l'énergie sur chaque mini site de production
4. Constitution d'un réseau intelligent de distribution de l'énergie
5. Passage aux moyens de transport électrique

Je suis d'accord avec à peu près tout dans le diagnostic sur la fin d'une époque et globalement dans la solution proposée autour des 5 piliers mais en ces temps de réchauffement climatique et de fin des réserves pétrolières qui ne le serait pas? 

Pareillement, je trouve intéressante (quoique avec une faible valeur opératoire si ce n'est celle de prouver que chaque âge est bien distinct) la relation qu'il établit entre les différents âges pré industriels et industriels et les consciences collectives. Ainsi à l'âge des chasseurs cueilleurs correspond l'âge mythologique, à celui de l'agriculture, la conscience théologique (les grandes religions), à la 1ère révolution industrielle la conscience idéologique, à la deuxième révolution la conscience psychologique et à la 3ème la conscience biosphérique. 


J'ai pourtant quelques désaccords avec ses conclusions.

1. La vision de la société dans la 3ème révolution est assez complète et comprend même un volet éducatif assez fourni, une réflexion détaillée sur la fin du travail et une allusion à la nécessaire sobriété. Pour autant, Rifkin ne va pas assez loin. Il voit bien que le travail va disparaître mais il est incapable d'imaginer une société sans travail c'est à dire sans source de revenus pour les citoyens. Il s'en "sort" en mettant tout le monde au travail associatif, ce fameux tiers secteur dont il pense qu'il fournira suffisamment de travail salarié à tout le monde. C'est à la fois se contredire (à quoi servirait les associations dans un monde qui aurait résolu la plupart des contradictions et injustices qui le minent aujourd'hui?) et méconnaître le fonctionnement des ONG une fois qu'elles se bureaucratisent, ce qu'elles ne manqueront pas de faire par nécessité intérieure (celle du développement de toute organisation quel que soit son objectif de départ)

2. Tel qu'il l'a décrit, la troisième révolution signifie la continuation du règne des experts et des capitaux ce que je déplore car ni les experts, ni la concentration capitaliste ne sont des éléments propice au développement d'une société autonome. Il y a d'ailleurs une contradiction chez Rifkin, puisqu'il espère que ces deux éléments mèneront bien à une société plus égalitaire, dans laquelle le pouvoir et l'énergie seront équitablement distribués. Je dois avouer que si je vois bien la contradiction, je n'en vois pas le début d'une solution et pour le moment il me faut considérer qu'il y aura sans doute une période de transition et sans doute (mais cela je l'ai déjà écrit ailleurs) une cohabitation entre un monde plutôt rural, communautaire, sobre, vivant au maximum de ses capacités en autosuffisance et en autonomie, et un autre, hétéronome, plus citadin, plus diffus et sans doute plus "actif" au sens actuel du terme, c'est à dire en recherche constante de progrès et d'amélioration. La manière dont ces deux mondes cohabiteront, échangeront et se partageront la planète est une des grandes inconnues.

3. Rifkin nous propose un vision encore une fois téléologique : telle qu'il la décrit, la 3ème révolution semble être la fin de l'histoire. Mais peut-on éviter ce biais dans lequel tant d'autres (Kant, Hegel, Marx, tous les révolutionnaires et les visionnaires de toutes les époques, ...) se sont engagés? Il semble que la vision d'un monde meilleur ne puisse s'exprimer autrement qu'en disant le meilleur des mondes, le dernier, qui comblera toutes nos attentes et qui résoudra toutes les contradictions. Il faut pourtant essayer d'être plus prudent et parler d'un avenir souhaitable, possible "à partir d'aujourd'hui" et ne pas cacher les difficultés potentielles.

4. Le discours New-Age des derniers chapitres est sans doute de trop. Il y défend l'avènement d'un "homme symbiotique" totalement connecté aux autres hommes et à la mère nature tant par l'intermédiaire d'outils (au premier rang desquels internet et les réseaux sociaux) que par une psyché élargie à l'ensemble de la biosphère. Si c'est le cas, alors je crois que l'on peut conclure que cet avenir signifie la fin de l'homme et de sa liberté. En un sens, nous ne sommes pas très loin du transhumanisme quoique je ne sois pas sûr que Rifkin en soit conscient. L'homme symbiotique est celui qui laisse la communauté et l'écosystème penser pour lui. C'est un homme sans morale, sans liberté, décérébré comme un simple terminal d'une intelligence qui fonctionnerait en dehors de lui et pour tous les autres hommes.

Pourtant sa réflexion lorsqu'elle reste pratique et ancrée dans le faisable et l'imaginable ici et maintenant est partiellement compatible avec la vision de l'autonomie que je défends. Ce qu'il dit de l'énergie distribué est par exemple une réponse à la problématique de l'énergie comme bien commun. De même sur l'éducation ou sur la latéralisation du pouvoir. 

J'acquiesce aussi lorsqu'il nous rappelle qu'en ces temps de doute le rôle des intellectuels est de construire du sens (ce qu'il appelle produire un récit) même si, et il en est pleinement conscient semble-t-il, les meilleurs récits, ceux qui restent dans l'histoire sont ceux qui sont reconstitués ex-post, après que le changement sociétal ou technologique a produit ses effets. Le récit proposé par Rifkin est, me semble-t-il, un bon récit qui fait bien la synthèse des questionnements de notre époque et des changements que nous observons aujourd'hui dans la totalité des sociétés dites avancées. Cette histoire entre en compétition avec d'autres (la décroissance radicale, l'économie de partage, le transhumanisme, ...) qui elles aussi peuvent prétendre à un certaine capacité à expliquer le passé et anticiper le futur, tout au moins partiellement. Le point commun entre toutes ces histoires concurrentes c'est qu'elles sont autant descriptives que prescriptives, en ce sens qu'elles nous engagent à conformer nos actions et nos priorités au type d'avenir qu'elles ont choisi de raconter. Il convient donc de bien les connaître et de garder à tout moment un esprit critique. C'est à minima pour cela qu'il faut lire ce livre.


1 commentaire:

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