Nous : « Rencontrer les gens, discuter avec eux, essayer de comprendre comment ils vivent. »
Lui : « Je ne suis pas sûr qu'il le sachent eux même, ils se laissent vivre voilà tout. »
Nous : « Les habitants ont-ils été prévenus de notre arrivée ? »
Lui : « Non. Je ne les ai pas prévenu car en fait ils s'en foutent. Vous êtes là, c'est bien, vous n’y êtes pas, c'est bien aussi. Ils n'ont pas besoin de vous. »
Quelques
jours plus tard...
Lui :
« Alors, vous vous plaisez ? »
Nous :
« Tellement bien qu'on pourrait y vivre. Quand on voit les gens,
on se dit qu’avec très peu d’argent on peut avoir une vie douce. »Lui : « C'est vrai pour eux. Mais nous n'avons pas les mêmes besoins... »
« Lui », c'est Thierry, un
marseillais installé aux Philippines depuis plus de 30 ans. Thierry nous a généreusement
prêté sa maison située dans le village de New Panggangan en face d’une grande plage
de sable blanc. Sa vie et sa philosophie suffiraient à justifier un post mais
je m'en tiendrai cette fois-ci à quelques considérations sur les besoins,
inspirées par la façon de vivre des habitants.
Le village est récent. Il a été fondé il y a tout
juste soixante ans par des natifs de Bohol dans l'archipel de Cebu, qui sont
arrivés par la mer (la voie terrestre n'est pas possible et ne le sera pas pour
encore quelques années) sur des bangkas à voile à la recherche d'un site
propice pour y établir une communauté. Ils ont trouvé cette belle crique qu'ils
ont d'abord partagée avec les quelques indigènes qui y résidaient. Très
rapidement ces derniers leur ont abandonné le terrain et les nouveaux arrivants
se sont installés en bordure de la plage pour vivre essentiellement de la pêche
et de la culture du riz. Aujourd'hui, le village fait partie des 66 Barangays
(commune avec une existence administrative) rattachés à la ville de Puerto
Princesa et compte environ 700 habitants. New Panggangan est dirigée par un
Captain (qui est d'ailleurs le fils du leader des pionniers qui découvrirent
l'endroit) personnage discret dont nous avons pu mesurer la gentillesse puisque
c'est lui qui est venu nous chercher à Sabang à près d'une heure de bateau. Comme
le dit Thierry avec la langue poétique des méridionaux : «Cet homme ne
peut pas être mauvais, il est tout sourire d'une oreille à l'autre. ». Et,
de fait, la plupart des habitants du village sont « tout sourire ».
À voir les maisons, personne ici ne roule sur l'or mais on ne voit aucun signe de misère ou de pauvreté. Les gens sont accueillants, prompts à aider le visiteur étranger ; et les enfants, de toute évidence heureux, courent jouer sur la plage ou en forêt dès qu'ils quittent l'école. En fin d’après midi, les garçons et les hommes forment des équipes et jouent au basket sur un terrain qui est au centre du village. Le soir on entend de la musique à l'intérieur des maisons et parfois même quelques Karaoké entre amis. On dîne dehors ou sous le porche... Du matin au soir, il semble qu'une vie paisible s’écoule, sans presse, sans heurts, sans poursuite de projets grandioses ou révolutionnaires qui pourraient « changer la vie ». Seules traces d'actions de « modernisation » dans le village : le générateur électrique et une machine pour battre le riz financés par un fonds de soutien au développement. Le générateur est tombé en panne il y a quelques mois et personne dans le village n'a jugé opportun de participer aux frais de réparation. Tout le monde a ressorti les anciens groupes électrogènes individuels et la situation est redevenue celle d'avant le grand générateur électrique qui, depuis, rouille tranquillement dans le petit bâtiment qui l'abrite. À croire que les habitants de New Panggangan n’en avaient pas besoin.
À voir les maisons, personne ici ne roule sur l'or mais on ne voit aucun signe de misère ou de pauvreté. Les gens sont accueillants, prompts à aider le visiteur étranger ; et les enfants, de toute évidence heureux, courent jouer sur la plage ou en forêt dès qu'ils quittent l'école. En fin d’après midi, les garçons et les hommes forment des équipes et jouent au basket sur un terrain qui est au centre du village. Le soir on entend de la musique à l'intérieur des maisons et parfois même quelques Karaoké entre amis. On dîne dehors ou sous le porche... Du matin au soir, il semble qu'une vie paisible s’écoule, sans presse, sans heurts, sans poursuite de projets grandioses ou révolutionnaires qui pourraient « changer la vie ». Seules traces d'actions de « modernisation » dans le village : le générateur électrique et une machine pour battre le riz financés par un fonds de soutien au développement. Le générateur est tombé en panne il y a quelques mois et personne dans le village n'a jugé opportun de participer aux frais de réparation. Tout le monde a ressorti les anciens groupes électrogènes individuels et la situation est redevenue celle d'avant le grand générateur électrique qui, depuis, rouille tranquillement dans le petit bâtiment qui l'abrite. À croire que les habitants de New Panggangan n’en avaient pas besoin.
Cette expérience déconcertante nous amène bien
sûr à nous interroger sur ce que sont donc ces fameux « besoins » qui
justifient tous ces efforts techniques, économiques, logistiques, toute cette
incroyable quantité d'innovations, d'idées géniales, d’argumentaires, que nous déployons
quotidiennement dans nos universités, nos laboratoires, nos entreprises, nos
routes, nos commerces, pour les
satisfaire « au mieux, au plus vite et au meilleur coût » ? Et
surtout comment se fait-il que les habitants de New Panggangan restent
volontairement à l'écart des « incroyables bienfaits » que la société
moderne déploie pour assurer leur bonheur ? Après tout, il est bien connu
que tout le monde a besoin d'électricité pour faire fonctionner son équipement
de karaoké, de réseau téléphonique pour appeler le bout du monde et mettre à
jour son statut Facebook, de machines pour séparer le grain de riz de la plante
et de tant d'autres choses que l'on ne trouve pas ou mal dans le village. Comment
expliquer que ces gens qui n'ont pas grand chose si on compare leurs maigres
possessions aux « extraordinaires richesses » dont nous a gâté la
civilisation industrielle, capitaliste et urbaine, comment expliquer donc
qu'ils s'en « foutent » autant ?
Pour cela, il nous faut sans doute commencer
par une meilleure compréhension de ce que sont les besoins, ce que je tenterai
de faire dans le prochain post.
Lire l'épisode suivant: Drôles de besoins
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