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samedi 6 février 2016

Ils n'ont pas besoin de vous : drôles de philippins (1 sur 3)

Lui : « Qu'est ce que vous comptez faire dans le village ? »
Nous : « Rencontrer les gens, discuter avec eux, essayer de comprendre comment ils vivent. »
Lui : « Je ne suis pas sûr qu'il le sachent eux même, ils se laissent vivre voilà tout. »
Nous : « Les habitants ont-ils été prévenus de notre arrivée ? »
Lui : « Non. Je ne les ai pas prévenu car en fait ils s'en foutent. Vous êtes là, c'est bien, vous n’y êtes pas, c'est bien aussi. Ils n'ont pas besoin de vous. »

Quelques jours plus tard...

Lui : « Alors, vous vous plaisez ? »
Nous : « Tellement bien qu'on pourrait y vivre. Quand on voit les gens, on se dit qu’avec très peu d’argent on peut avoir une vie douce. »
Lui : « C'est vrai pour eux. Mais nous n'avons pas les mêmes besoins... »

Episode 1/3


« Lui », c'est Thierry, un marseillais installé aux Philippines depuis plus de 30 ans. Thierry nous a généreusement prêté sa maison située dans le village de New Panggangan en face d’une grande plage de sable blanc. Sa vie et sa philosophie suffiraient à justifier un post mais je m'en tiendrai cette fois-ci à quelques considérations sur les besoins, inspirées par la façon de vivre des habitants.

Le village est récent. Il a été fondé il y a tout juste soixante ans par des natifs de Bohol dans l'archipel de Cebu, qui sont arrivés par la mer (la voie terrestre n'est pas possible et ne le sera pas pour encore quelques années) sur des bangkas à voile à la recherche d'un site propice pour y établir une communauté. Ils ont trouvé cette belle crique qu'ils ont d'abord partagée avec les quelques indigènes qui y résidaient. Très rapidement ces derniers leur ont abandonné le terrain et les nouveaux arrivants se sont installés en bordure de la plage pour vivre essentiellement de la pêche et de la culture du riz. Aujourd'hui, le village fait partie des 66 Barangays (commune avec une existence administrative) rattachés à la ville de Puerto Princesa et compte environ 700 habitants. New Panggangan est dirigée par un Captain (qui est d'ailleurs le fils du leader des pionniers qui découvrirent l'endroit) personnage discret dont nous avons pu mesurer la gentillesse puisque c'est lui qui est venu nous chercher à Sabang à près d'une heure de bateau. Comme le dit Thierry avec la langue poétique des méridionaux : «Cet homme ne peut pas être mauvais, il est tout sourire d'une oreille à l'autre. ». Et, de fait, la plupart des habitants du village sont « tout sourire ».

À voir les maisons, personne ici ne roule sur l'or mais on ne voit aucun signe de misère ou de pauvreté. Les gens sont accueillants, prompts à aider le visiteur étranger ; et les enfants, de toute évidence heureux, courent jouer sur la plage ou en forêt dès qu'ils quittent l'école. En fin d’après midi, les garçons et les hommes forment des équipes et jouent au basket sur un terrain qui est au centre du village. Le soir on entend de la musique à l'intérieur des maisons et parfois même quelques Karaoké entre amis. On dîne dehors ou sous le porche... Du matin au soir, il semble qu'une vie paisible s’écoule, sans presse, sans heurts, sans poursuite de projets grandioses ou révolutionnaires qui pourraient « changer la vie ». Seules traces d'actions de « modernisation » dans le village : le générateur électrique et une machine pour battre le riz financés par un fonds de soutien au développement. Le générateur est tombé en panne il y a quelques mois et personne dans le village n'a jugé opportun de participer aux frais de réparation. Tout le monde a ressorti les anciens groupes électrogènes individuels et la situation est redevenue celle d'avant le grand générateur électrique qui, depuis, rouille tranquillement dans le petit bâtiment qui l'abrite. À croire que les habitants de New Panggangan n’en avaient pas besoin.

Cette expérience déconcertante nous amène bien sûr à nous interroger sur ce que sont donc ces fameux « besoins » qui justifient tous ces efforts techniques, économiques, logistiques, toute cette incroyable quantité d'innovations, d'idées géniales, d’argumentaires, que nous déployons quotidiennement dans nos universités, nos laboratoires, nos entreprises, nos routes, nos commerces,  pour les satisfaire « au mieux, au plus vite et au meilleur coût » ? Et surtout comment se fait-il que les habitants de New Panggangan restent volontairement à l'écart des « incroyables bienfaits » que la société moderne déploie pour assurer leur bonheur ? Après tout, il est bien connu que tout le monde a besoin d'électricité pour faire fonctionner son équipement de karaoké, de réseau téléphonique pour appeler le bout du monde et mettre à jour son statut Facebook, de machines pour séparer le grain de riz de la plante et de tant d'autres choses que l'on ne trouve pas ou mal dans le village. Comment expliquer que ces gens qui n'ont pas grand chose si on compare leurs maigres possessions aux « extraordinaires richesses » dont nous a gâté la civilisation industrielle, capitaliste et urbaine, comment expliquer donc qu'ils s'en « foutent » autant ? 

Pour cela, il nous faut sans doute commencer par une meilleure compréhension de ce que sont les besoins, ce que je tenterai de faire dans le prochain post.

Lire l'épisode suivant: Drôles de besoins

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