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lundi 20 juin 2016

Ils sont quand même forts chez Nespresso!

J'ai déjà raconté l'histoire de la cafetière Costa Ricaine en bois dans ces colonnes. Nous sommes depuis quelques jours en Colombie, dans la région de Popayan, dans une maison isolée au milieu de la forêt. Hier, après avoir nettoyé toute la maison et réagencé les chambres pour que nous puissions y dormir confortablement à huit, l'envie nous est venue de prendre un café. Là où nous sommes il est clair que nous ne trouverons pas un bistrot pour nous servir. Il nous a donc fallu le faire nous-même avec les moyens du bord.
Heureusement, nous avons acheté au Costa Rica, au Mexique et en Colombie des cafés cultivés, séchés, torréfiés et moulus par les communautés rurales qui nous ont accueillis. Nous ne manquions pas de matière première mais nous n'avions toujours pas la machine... 

Nous avons donc fait bouillir de l'eau dans une casserole, pris l'un des filtres que nous avait donnés Noire au Costa Rica, mis un peu de café dans le filtre, versé l'eau chaude sur le café moulu directement au dessus d'une tasse et ... dégusté le délicieux breuvage. J'ai un secret pour vous: ce n'est pas la machine qui fait le bon café, c'est la qualité du café (et sans doute aussi les gens avec qui on le boit). Le prix à payer? 10 minutes passées à faire bouillir l'eau et à verser avec l'aide de quelqu'un l'eau chaude sur le filtre. Autant dire que du bonheur... 

Alors que nous étions assis autour de la belle table en bois (une fenêtre ancienne sur laquelle avait été posée une plaque de verre) qui avait exigé une bonne quantité d'huile de coude pour retrouver son lustre original, l'un de nous s'exclama "Ils sont quand même forts chez Nespresso!". 

Comment ont-ils réussi à justifier le recours à une machine coûteuse alors que la plupart des ménages qui ont fini par acheter une Nespresso avaient déjà au moins une ou deux cafetières chez eux? Les techniques marketing utilisées sont nombreuses: la stratégie commerciale de Nespresso et les outils que la firme a mis en place suffiraient à illlustrer un manuel de marketing pour étudiants en Grandes Écoles de Commerce... Sans viser à l'exhaustivité mais plutôt pour illustrer la créativité de ceux en charge de nous convaincre de dépenser notre argent, voici quelques unes de ces "bonnes pratiques": suggérer un besoin inexistant en le formulant comme un désir (remplacer votre ancienne et vieille cafetière par un outil bien plus moderne que vous serez fiers de montrer à vos amis) et ainsî, au delà de la satisfaction de ce besoin, promettre un bonheur statutaire (par le design des machines, par la publicité "what else ?", par les magasins à la décoration luxueuse); créer l'envie d'abondance (par la commercialisation de multiples goûts, mélanges, articles associés dans les magasins) dans une pseudo-pénurie savamment organisée (au travers de la creation d'un club "sélect" en réalité ouvert à tout le monde, ou en organisant de longues files d'attente dans les magasins où les clients viennent  acheter les capsules de café par dizaines ou centaines comme si elles allaient venir à manquer);    justifier l'excellence du produit par la technologie et l'innovation en suggérant que la technologie (grosse modo une pompe à eau chaude...) garantit l'extraordinaire qualité du breuvage; pour garantir un flux de revenus croissants, se protéger par des brevets et tenter d'interdire l'utilisation de capsules autres que celles vendues par Nespresso; constituer des bases de données de clients en créant un club d'amateurs de cafés Nespresso et stimuler les achats avec un programme de fidélité; faire vendre les cafetières et les capsules par les consommateurs eux même avec un programme de parrainage donnant droit à des cadeaux,etc. De là à penser qu'ils programment l'obsolescence de leurs machines pour générer des ventes de renouvellement, il n'y a qu'un petit pas...

Et pourtant, du point de vue du consommateur final, pour avoir un bon café, il suffit d'un filtre et d'un café moulu de qualité. Ce n'est pas plus compliqué que cela et toute la machine de guerre mise en place par Nespresso, n'est que de la complexité additionnelle, permettant simplement de justifier la captation d'une part démesurée de pouvoir d'achat des ménages. C'est l'histoire du verre de lait (lire l'article ici) reprise côté café. C'est toute l'histoire en fait du consumérisme qui transforme de la convivialité en outils et de la production autonome en production hétéronome et, aussi, en déchets non recyclables un produit de la terre.

Ce qui est intéressant, c'est que nous (et moi même, le premier) nous laissions prendre aussi facilement dans les nasses des marketeurs et que nous abandonnions aussi facilement notre autonomie au profit de corporations qui veulent notre argent plus souvent que notre bien-être. Je vois une première raison à cela qui est peut être au fond le cœur du problème: nous avons oublié combien la vie pouvait être simple et "goûteuse" sans les appareillages et les machineries qui nous entourent. Cet oubli de la simplicité est peut-être organisé par les "forces de l'argent" ou est peut-être simplement la conséquence non programmée d'un certain fonctionnement social qui survalorise les fonctions intellectuelles au détriment des pratiques manuelles, ou d'une certaine idée de l'homme comme étranger à la nature, deux conceptions qui prévalent largement dans nos sociétés modernes. Qu'importe d'ailleurs. Ce qui compte, c'est que les générations prochaines réapprennent ces gestes utiles et évidents qui permettent de s'affranchir de la tutelle d'une machine à café ou d'un Magimix. Car quand nous n'aurons plus aucune idée de ce qu'est la forme d'un grain de café car il aura été transformé dans des usines totalement automatisées puis enfermé dans des capsules hermétiques qu'il faudra elles mêmes incarcérer dans des machines opaques pour obtenir une dose mesurée de café, quand la plante qui donne le grain aura été enfouie sous des couches de technologies et de discours publicitaires, quand nous aurons intégré l'injonction finale, celle qui est le saint graal de toute marque, "appuyer sur le bouton que je vous vends et vos désirs seront satisfaits", quand nous ne pourrons plus revenir en arrière parce que plus personne ne saura comment faire, alors, ce jour là, nous aurons vraiment un problème.





1 commentaire:

  1. sans compter que c'est une aberration écologique: la production de l'aluminium dont sont faites les capsules coûte une fortune en énergie, et je suis très moyennement convaincu par les filières de recyclage que Nespresso se vante d'avoir mises en place... Merci Ahmed d'écrire si bien ce que je pense depuis que le beau Georges s'est mis en location longue durée!

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