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vendredi 13 novembre 2015

La route : 3 premières études de cas (1/3)

J’ai déjà évoqué dans ce blog la critique Illitchienne sur les modes hétéronomes de transport: au-delà d’un certain seuil, les investissements visant à faciliter ou accélérer les déplacements « jouent » contre leurs objectifs. Cette analyse a elle-même été beaucoup critiquée par les partisans du développement par les infrastructures et, il faut l’avouer, complètement ignorée par les décideurs politiques du Nord et du Sud qui ont continué de plus belle à dépenser l’argent de l’Etat dans de belles autoroutes ou de nouvelles lignes de TGV. Ont-ils eu tort ? Comme toujours la réponse est certainement à nuancer. Plutôt que d’entrer dans ce débat qui est autant technique qu’idéologique, j’ai choisi cette fois-ci de partager avec vous quelques observations glanées lors de ce voyage. 
Voici la 1ère partie


Tizi n’Oucheg (Maroc) : Les plus et les moins du désenclavement
A Tizi n’Oucheg, la route a beaucoup apporté en accessibilité, en capacité et en rapidité. Elle permet aux habitants du village de descendre dans la vallée en moins de 30 minutes (contre le triple de temps auparavant). Les 4X4 et les pick-up montent et descendent la route qui serpentent en étroits lacets plusieurs fois par jours, été comme hiver, et seuls de gros orages peuvent stopper leur trafic. On transporte des personnes (parfois plus que de raison pour ceux qui se souviennent de mon post du 16 aout : Risques, dangers et éducation) mais aussi et surtout des marchandises et des équipements que les mules ne peuvent monter qu’avec grande difficulté. Cette route est d’ailleurs un bel exemple d’action collective autonome et solidaire, puisqu’elle a été décidée, conçue et entièrement construite par les habitants des 3 villages qu’elle dessert.
Cependant, cette route nécessite une lourde maintenance du fait des pluies abondantes et des fréquents éboulements notamment au printemps. Chaque villageois doit dorénavant contribuer des heures de son temps à l’entretien d’une voie qu’il n’emprunte qu’assez rarement ce qui revient à une sorte d’impôt supplémentaire pour des habitants dans le seul capital est souvent le temps dont ils disposent.
De plus, elle a apporté avec elle la facilité de s’approvisionner en ciment et en parpaings. Très rapidement, les nouvelles constructions ont employé ces matériaux exogènes alors que jusque-là tout était construit en terre et pierres taillées. On pourra regretter la beauté des maisons traditionnelles mais on pourra surtout d’interroger sur la substitution d’un mode de construction totalement autonome qui ne coûtait « que » du temps et de la pénibilité (la taille des pierres est un travail long et difficile) par un mode certes plus « moderne » mais qui accroit la dépendance envers des fournisseurs externes au village et nécessite de disposer d’un capital financier. C’est comme cela que se créent les premières dépendances à l’argent…
Par ailleurs, la nouvelle voie a déjà et va continuer de créer des « opportunités de richesses » dont certains profiteront plus que d’autres créant ainsi des distorsions dans les revenus. Les plus pauvres ayant généralement une aversion au risque plus élevés que les plus riches, il est vraisemblable que les nouvelles opportunités seront saisies par ceux qui se positionnent dans les fourchettes hautes des revenus de la communauté. Par exemple dans le cas de Tizi N’Oucheg, les propriétaires de 4x4 bénéficient d’une situation de rente avec la nouvelle route et, s’organisant en cartel, sont en position de capturer une part disproportionnée de la valeur de l’infrastructure à leur profit.
Ces distorsions risquent à leur tour de se traduire dans des inégalités par exemple vis-à-vis des travaux communs, les plus riches ayant la possibilité de payer pour en être dispensés et disposeront ainsi d’encore plus de temps pour accroître leur richesse. A terme, c’est potentiellement la fin de la solidarité et la création d’un prolétariat avec la spécialisation des fonctions dans le village, certains se retrouvant employés par les autres pour les travaux communs puis bientôt pour certaines tâches déléguées (labour, irrigation, ….). 

Lire la suite: Bigodi (Ouganda) - la route dangereuse

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